Cela faisait longtemps que je passais devant ce « Café de la place » au centre d’Aulon, café doté de deux pompes à essence de village comme on en voyait dans les campagnes françaises avant les années 70 : le vieux bistrot d’autrefois.
Aujourd’hui, j’ai osé passer le pas de la porte et n’ait pas regretté de l’avoir fait. Plongée dans une autre époque à 18kms du Poolailler !
Deux voitures faisaient la queue pour le plein. Marguerite 90 ans, pleine d’allant et une forme olympique, sort pour faire le plein. Une de ses amies est dans le café et me parle d’elle spontanément.
Le Café est resté dans son jus, comptoir de formica (peut-être années 60-70 ?) On reconnait les fameuses chaises de bistrot en bois courbé du designer suisse Baumann, les carafes Ricard sur les tables, la vitrine avec ses verres publicitaires, les baies vitrées années 20. Le temps ici semble d’être arrêté…
Marguerite sert ses clients en carburant. J’attends patiemment qu’elle revienne. Je l’entends saluer son second client tout au plaisir de le reconnaitre. Il s’agit d’un suisse du lac Léman, de Lausanne plus précisément, qui ne manque jamais de s’arrêter chez elle pour faire le plein, à chaque fois qu’il passe dans la région : le plaisir du rituel.
Quand elle revient, je lui explique que cela fait un moment que son Café m’intrigue et que je profite des vacances pour oser passer le pas de la porte.
Je lui pose quelques questions, elle me dit que cela fait 70 ans qu’elle tient ce café, qui lui a 100 ans. Puis elle me laisse pour filer dans son arrière cuisine parce qu’un invité-ami l’y attend, un ami, ça ne doit pas attendre. Elle me sert mon café (à 1 euro) et m’invite à faire le tour du café seule si je le souhaite. Une confiance à toute épreuve comme on n’en voit plus…
Alors je prends quelques photos, trouve un passage au fond qui me conduit vers les vestiges d’une ancienne boucherie restée elle aussi dans son jus comme le café : deux anciennes chambres froides aux portes de bois, carrelage métro, crochets inox pour pendre les quartiers de viande, dévidoir inox pour la ficelle des rôtis. Incroyable ! Magnifique ! Je fais une plongée dans le passé par une porte dérobée… Pas besoin d’aller au bout du monde pour vivre de telles émotions authentiques.
Le plus drôle, c’est que tout à mon enthousiasme, j’ai voulu envoyer les photos à une amie par WhatsApp. Évidemment, il fallait s’en douter, zone blanche, ni de réseau téléphone portable, ni wifi… Il fallait bien ça pour prolonger le voyage dans le temps.
Pas plus mal finalement, et une bonne leçon à celle qui a toujours besoin d’être connectée alors que pour vivre pleinement des moments authentiques, il faut précisément être totalement déconnectée…
Ah oui, je n’ai pas su lui refuser la main qu’elle m’a tendue spontanément pour me saluer. Je crois que cela aurait été lui faire offense. Je crois qu’elle préfère vivre sa vie pleinement plutôt que de devoir oublier toutes les règles de la convivialité. Dans les années 60-70, la Covid 19 n’était pas d’actualité…et le monde n’était pas encore devenu fou… Alors…